L'entreprise aussi est une aventure océanique
Il y a un an, je décidais de me lancer dans l’aventure de la course au large en solitaire, en classe mini.
La course au large en solitaire, c’est de la navigation à la voile, en haute mer, au large, en solitaire. Et c’est une course. Cela veut dire qu’en plus de ces conditions un peu particulières, on pousse le bateau et soi-même, au maximum. Faire marcher le bateau au mieux. Optimiser la route en fonction des conditions météo et des courants, faire attention au choix des voiles, soigner les manœuvres…
La Classe mini est une classe de bateaux de 6m50 ( ça n’est pas grand, légalement cela s’appelle même plus un engin de plage qu’un bateau). La Classe mini organise un certain nombre de courses tout au long de l’année, dont une traversée de l’Atlantique les années impaires et un aller-retour aux Açores les années paires.
J'ai suivi des entraînements tout au long de l’hiver au pôle mini de Douarnenez, et désormais participé à deux courses en solitaire, une de deux jours, l’autre de cinq.
Bref, en course au large en solitaire, on pousse les curseurs bien à droite.
Et c'est une énorme leçon de vie.
Ce que l’on y vit s’applique très bien dans l’entreprise.
⛵️ Il est vital de faire face aux problèmes.
A terre, on peut facilement se débiner. On peut éviter. On peut reporter. Certes, le problème se représentera. Mais il y a mille façons d’éluder, de reporter sur les autres, de reporter à demain. Parce que c’est difficile, parce qu’on a la flemme.
Au large, en solitaire. Il n’y a pas de plan B. Il faut résoudre les problèmes qui se posent, au moment où ils se posent. Dans la plupart des cas, tu t’aperçois que tu es toi-même à l’origine du problème. Quand il se présente, tu es seul à bord, personne ne va agir à ta place. Tu peux hurler ce que tu veux, cela ne changera rien. Tu dois résoudre. Trouver une solution.
Départ de ma première course, la Pornichet Select. Je suis à peu près bien sur la ligne, on est à une minute du départ. Je hisse mon foc (voile d’avant). A mi-hauteur ‘shchlllaaaaak’ … La voile descend et ma drisse remonte en tête de mât. Je dois aller la chercher. Impossible de naviguer sans voile d’avant. La ligne de départ doit être franchie dans les 10 minutes. Je remonte péniblement et la franchit dans les temps.
Je vire, met le bateau sur un long bord au portant, prépare mon matériel d’escalade, et je monte, en solo, en navigation. Je déteste être en hauteur … Même si j’aime prendre de la hauteur. J’ai le vertige. Mais pas le choix, je dois faire cette course, la terminer. Je me hisse en tête de mât, bringuebalé dans tous les sens dans la montée, et récupère ma drisse.
Etant encore proche de la zone de départ, la SNSM était présente et un zodiaque m’a suivi durant toute l’opération. Soutien indéfectible de ces Saint-Bernards de nos océans. Gratitude.
J’avais mal préparé la manille textile qui fixe le foc sur la drisse. Une erreur de débutant. Je ne la ferai plus jamais.
C’est en résolvant les problèmes que l’on grandit, que l’on avance, que l’on s’améliore. On gagnerait sans doute à rien mettre de côté, et à résoudre les difficultés quand elles se présentent. Ce sont les difficultés qui sont intéressantes.
On ne peut éluder la question de l’impact de nos activités sur l’environnement. On ne peut écarter les désaccords, reporter à demain.
Faire face.
🛟 Le dépassement individuel n’est possible que collectivement
La course au large en solitaire est évidemment un exercice de dépassement de soi, un exercice individuel. Mais il n’est rendu possible que parce que c’est un exercice collectif.
On ne traverse pas l’Atlantique lors de la mini Transat SEUL, on traverse à 100 minis, avec plusieurs bateaux accompagnateurs et toute une organisation gérée par la Classe et les organismes internationaux.
Quand t’es en course en mini et que les conditions sont compliquées, quand tu vas faire une sieste (courte), tu fais un appel VHF aux minis autour de toi, pour leur demander de veiller sur ton bateau. On veille les uns sur les autres.
Pour mettre un mât sur un mini, on met deux autres minis de chaque côté et on hisse le mât à l’aide des deux drisses voisines.
Il y a tellement de choses à régler, que l’on ne peut faire seul. Les plus expérimentés aident ceux qui débarquent sur le circuit. Merci à eux tous :-)
Il n’y a que collectivement que l’on peut se dépasser soi, pour le bénéfice de tous et de chacun.
C’est cela faire UN.
La course au large nous parle de l’aventure qu’est l’existence, façon curseurs à droite.
Et l’entreprise est bien une aventure océanique. Même à terre.